Guide de la couleur et de l'image imprimée
par Emmanuel Florio
A  r  t  i  c  l  e  s 

Introduction
Ecran/impression
La calibration
Numériser
Et le noir ?
Quelques Notions
A votre tour
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LA CALIBRATION EN PAO

LA CALIBRATION DE LA CHAINE GRAPHIQUE CHERCHE À HARMONISER LA REPRÉSENTATION DE L'IMAGE À TRAVERS LES ÉLÉMENTS QUI LA COMPOSE.

Dissipons sans ambiguïtés l'illusion d'une calibration idéale qui saurait affranchir la reproduction imprimée de tous ses aléas. Les supports de visualisation de l'image aux différentes étapes de la Publication Assistée par Ordinateur sont par définition trop disparates pour que l'on puisse par le biais d'un quelconque artifice les assimiler l'un à l'autre.

Les écrans sont tous dissemblables. Les conditions dans lesquelles ces écrans sont utilisés sont instables (il suffit d'une variation d'éclairage dans la pièce pour invalider l'étalonnage le plus précis). Les opérateurs ont tous une perception visuelle spécifique, et inconstante!
Une page imprimée change d'aspect suivant le papier utilisé, les paramètres d'encrage et de mouillage, l'éclairage et l'environnement dans laquelle on l'ausculte...
Jamais aucun moniteur ne saurait donner le reflet exact d'une image imprimée, si scrupuleusement étalonné soit-il, et contrairement à ce que certains commerciaux osent encore promettre. Tout au plus offrira-t-il une simulation relativement cohérente de l'impression, et cela apporte un confort de travail non négligeable! Il est toujours plus logique de traiter des images dans un environnement stable, et à peu prés comparable aux documents imprimés, que d'avancer en aveugle sans savoir se fier à ce que l'on a sous les yeux. 

La calibration bien conçue d'une chaîne graphique cherche essentiellement la STABILITÉ et l'HOMOGÉNÉITÉ de la reproduction de l'image à chacun de ses maillons. Ce qui ne dispense pas de la connaissance des données caractéristiques de toutes les étapes.
La qualification d'un opérateur, au delà des prouesses techniques d'utilisation d'une application ou d'une autre, réside en grande partie dans ses capacités à appréhender et anticiper la nature intrinsèque des supports de reproduction.

AU RISQUE D'ENFONCER DES PORTES OUVERTES, la condition sine qua non de la qualité d'une sélection est la qualité du document original (à voir les documents proposé à la sélection par certains clients -de toute bonne foi-, il n'est forcément pas superflu de le rappeler...) Il est possible de corriger une légère dominante parasite, de redonner artificiellement un peu de netteté, d'accentuer des couleurs un peu passées. Mais sûrement pas de créer un chef-d'oeuvre à partir d'un original médiocre!

Ceci étant acquis, il faut avoir conscience de la spécificité de chaque support. Il nous parait tout à fait naturel de numériser, sur le même scanner, aussi bien des ektachromes, des documents imprimés, des aquarelles originales, des tirages photographiques sur papier.
Ils sont pourtant complètement différents: les écarts de contrastes, la capacité de réflexion, la densité des pigments, la précision des détails d'une diapositive 24X36 et d'une illustration à la gouache n'ont rien en commun.
Les programmes dédiés aux scanners professionnels tiennent compte de ces particularités, et sont personnalisés en fonction du type des originaux à numériser. Ils réservent même aux opérateurs la possibilité de créer des programmes personnalisés.
Ce n'est pas possible, le plus souvent, sur les appareils d'entrée de gamme, et il appartient à l'utilisateur de composer suivant les originaux fournis pour optimiser la sélection.
Ainsi, il est particulièrement ardu de faire admettre à un néophyte qu'un ekta scanné et imprimé n'a OBLIGATOIREMENT pas la même luminosité que ce même ekta projeté sur un écran perlé, que les ravissantes nuances de feutre fluorescent d'une illustration pour histoires enfantines NE PEUVENT PAS être reproduites par le procédé CMYB (il existe d'autres procédés, beaucoup plus coûteux).

Le procédé d'impression offset a des contraintes techniques, et des limites intrinsèques. La reproduction d'une image est nécessairement une traduction, aussi infidèle et périlleuse que celle d'une oeuvre littéraire. L'expérience (la vôtre, ou celle d'un professionnel : ils ont encore une certaine utilité) doit permettre de composer pour un résultat optimal.
 

AU SECOND RANG DANS L'ACQUISITION DES DOCUMENTS INTERVIENT LA QUALITÉ DU SCANNER.
On trouve aujourd'hui sur le marché des appareils vendus à moins de 500 francs, et d'autres à plus de 400 000 francs. Leurs performances ne sont évidemment pas comparables: on ne place pas sur la même ligne de départ une motocyclette et une formule 1.
Les scanners rotatifs restent la référence en matière de qualité et de productivité, quoique leur prix les cantonnent au domaine professionnel. Si votre exigence est intransigeante, confiez leurs vos travaux ! (J'ai peut-être l'air de prêcher pour ma paroisse, mais je suis sincère, et désintéressé...)
Tous les scanners "à plat" ne se valent pas, loin s'en faut.
La résolution RÉELLE des capteurs CCD, la précision des objectifs, la fiabilité des mécaniques ont une incidence non négligeable, sur le prix bien sûr, mais aussi sur le résultat des numérisations. Il faut savoir faire le choix entre un scanner destiné uniquement aux prévisualisations et au positionnement à des fins de maquette, ou un scanner dédié à la fabrication. L'investissement n'est pas comparable, ni la production: un scanner d'entrée de gamme offrant une résolution de 300X600 dpi ne peut se destiner qu'à des travaux de bureautique ou de placement. Personnellement, je vous déconseille d'y tenter d'y numériser autre chose. Vous perdriez beaucoup de temps pour pas grand'chose, et finalement beaucoup d'argent!

Un scanner est correctement calibré lorsque la reproduction standard d'une gamme de gris, ou d'une mire de couleur reproductible, par une épreuve contractuelle ne présente pas de différences notables avec l'original.
C'est normalement un réglage d'usine: on peut exceptionnellement le modifier suivant les instructions du constructeur -avec la plus grande circonspection- si l'épreuve vous semble vraiment trop différente du document, ou, et c'est beaucoup plus prudent, appeler à la rescousse un technicien qualifié.

À consulter le site dédié aux tests de la majorité des scanners disponible sur le marché, et leur utilisation: http://www.arpla.univ-paris8.fr/scanners
 

LA CALIBRATION DU MONITEUR EST PLUS DÉLICATE, puisqu'elle guidera, plus ou moins intuitivement (j'aimerais le moins possible, mais la nature humaine a ses faiblesses...), les opérations d'évaluation et de correction au sein de l'application de retouche photographique.

La qualité de l'écran est prépondérante: il ne saurait au minimum être raisonnable d'utiliser un appareil qui afficherait moins que les millions de couleurs, et pour votre confort, soit d'une taille respectable.
Il y a possibilité de créer des PROFILS PERSONNALISÉS à l'aide d'utilitaires coûteux et délicats. Leur opportunité n'est pas à mettre en cause! Cependant, les circonstances peuvent vous contraindre à vous satisfaire des PROFILS STANDARDS fournis avec l'application. Ils sont disponibles, et plutôt pertinents. Pourquoi s'en priver! Il suffira de sélectionner par les préférences "moniteur" dans un menu déroulant où, dans le meilleur des cas, vous trouverez celui qui correspond au modèle que vous employez. S'il n'existe pas, le Gamma d'un moniteur classique se réglera à la valeur "par défaut" de 1,8 et le point blanc à 6500°K.
Consultez la documentation qui vous a été livrée avec votre logiciel favori, pour peu qu'on prenne la peine de s'y pencher avec un peu d'attention, elle vous livrera des trésors d'informations!

Ces mêmes applications offrent dans leurs gestionnaires de couleurs des bibliothèques d'encres d'impression standardisées. Par défaut, elles sont le plus souvent chargées avec le profil SWOP, qui correspond aux standards d'impression américains (allez savoir pourquoi). Jusqu'à preuve du contraire, le standard utilisé sur le vieux continent est toujours l' EUROSTANDARD.
Ne les négligez pas. Leur fonction est double:
1) d'adapter la colorimétrie de l'affichage des images à l'écran.
2) de conditionner la conversion RVB vers CMYB : en clair, de déterminer le calcul mathématique de la densité colorimétrique en valeur de trame, et en conséquence le résultat tangible de l'image imprimée.
Heureusement, la restitution des standards d'encres américain et européen ne diffère pas sensiblement. Testez cependant en affichant sur votre moniteur une image riche en couleur, et chargez, pour la gouverne, le profil japonais TOYO, ou celui d'une imprimante exotique. Instructif... 
 

L'INCORPORATION D'IMAGES DANS UNE APPLICATION DE TRAITEMENT DE TEXTE POURRAIT SEMBLER N'AVOIR QU'UNE INCIDENCE ANECDOTIQUE SUR SA REPRODUCTION.

En effet, la seule manipulation qu'elle doit y subir devrait se résumer à un simple placement géométrique, et son assemblage avec les autres éléments de mise en forme de la page imprimée.
Si l'on exclut les fonctions de retouches chromatiques qu'offrent certains logiciels sophistiqués de P.A.O, qu'il ne faudrait employer, pour des raisons évidentes de cohérence des traitements d'image et d'homogénéité de la chaîne graphique, que de façon sporadique, voire tout simplement ignorer (il n'est pas plus long de réouvrir Photoshop, et beaucoup plus sûr et logique, que de "bidouiller" une mauvaise prévisualisation image dans XPress !) l'intégrité virtuelle de l'image ne peut y être affectée. Rappelons que dans la logique de fabrication, l'image n'est réellement incorporée au document finalisé qu'au stade du traitement Postscript, antépénultième étape avant le flashage, ou l'impression numérique.

Cependant le contexte dans lequel est placée une image influe de manière significative sur sa perception. Si l'on incorpore une même image, sans aucunes corrections de quelque nature que ce soit, dans des environnements disparates, l'oeil humain interprète cette image en fonction de cet environnement.

Ainsi la copie d'une image parfaitement équilibrée, mais fortement réduite semblera toujours trop dense en rapport à l'original.
La copie d'une image parfaitement équilibrée, mais fortement agrandie semblera toujours trop pâle en rapport à l'original.
La copie d'une image parfaitement équilibrée, mais détourée sur le fond papier, ou un fond clair semblera toujours plus saturée en rapport à l'original.
La copie d'une image parfaitement équilibrée, mais détourée sur un fond noir ou très sombre semblera manquer de saturation en rapport à l'original.

On anticipera, autant que faire se peut, suivant la mise en page si elle peut être connue par avance, le traitement des images dans les applications dédiées afin d'en optimiser la reproduction. À titre d'exemple : une image équilibrée devant être détourée sur fond blanc peut être allégée de l'ordre de 5 à 10% dans les demi-tons en gardant visuellement une densité comparable à la même image cadrée au même agrandissement. 
 

L'ÉPREUVE CONTRACTUELLE permets de juger le travail à son achèvement, mais surtout elle constitue le document de référence pour obtenir l'aval du commanditaire de l'ouvrage, et pour conduire l'impression en machine.

Les nombreux systèmes d'épreuves contractuelles analogiques (Cromalin, Matchprint), ou numériques (Iris, Rainbow, Colibri, Epson) agréés par les différents prestataires, doivent permettre la mesure et le contrôle des densités des pigments, de la copie du point sur plaque, et de l'engraissement (déformation du point en fonction de la viscosité des encres et de la porosité du support) lors du passage en machine. On en jugera par l'utilisation d'une gamme de contrôle impérativement jointe à l'épreuve (on emploie communément en Europe la gamme BRUNNER).
On remarquera cependant, en comparant une image identique reproduite sur ces différents supports, conformes en tous points aux normes édictées par les organismes concernés, de notables variations d'aspect. Elles sont imputables aux supports employés, aux pigments, à la finesse de la résolution des images et des traits qui respectent néanmoins le cahier des charges de la profession.
Il n'y a pas de système d'épreuvage idéal.
Ces variations reflètent en réalité celles d'une impression offset : l'épreuve de contrôle n'en peut être qu'une prévisualisation. Plutôt qu'une reproduction immuable, l'épreuve ne peut représenter qu'un consensus fiable entre les intervenants.

Notons à ce sujet qu'elle ne devrait être jugée que dans le cadre d'une présentation normalisée : c'est à dire sous une lumière stable type "lumière du jour" dans un environnement de colorimétrie neutre. Il existe des cabines de présentation normalisées, réservée par leur prix aux professionnels, qui en offrent les conditions idéales.
Évitez pour le moins de juger une épreuve à la lumière du soleil, ou dans un local peint de couleurs vives ! 
 

LE RENDU DE L'IMAGE IMPRIMÉE EST TRÈS LARGEMENT CONDITIONNÉ PAR LE CHOIX DU SUPPORT D'IMPRESSION.

L'épreuve de contrôle n'a qu'un rôle purement indicatif, en simulant des paramètres d'impression connus et stables, auxquels l'imprimeur peut se référer pour conduire la travail.
Des typons identiques, imprimés sur des supports hétérogènes, produisent des images dont la saturation, le contraste, et la définition varieront en fonction de leurs qualités mécaniques respectives. Ces variations peuvent modifier complètement le rendu escompté d'une sélection : en bien, pour peu que l'on sache les anticiper et les utiliser dans un but créatif, ou en mal si on les ignore, lorsqu'on met en oeuvre des matières aussi caractéristiques que les papiers kraft, recyclé, ou autre vélin d'Arche
Ces altérations significatives peuvent être appréhendées par des mesures précises et compensées par des procédures de calibration appropriées.

Il est nécessaire de fournir, sur chaque épreuve de contrôle, une gamme de contrôle, qui est d'ailleurs systématiquement exigée lorsque vous est fourni un cahier des charges à la commande des travaux.
La gamme de contrôle est composée de plages de couleurs et de densités déterminées, afin de garantir la conformité des paramètres de reproduction, et de fournir à l'imprimeur des références fiables pour conduire l'impression. La plus élémentaire des gammes de contrôle générées par la flasheuse (ou certaines imprimantes) décline des plages de valeurs dégressives identiques sur les films des quatre couleurs CMYB. L'impression doit restituer une gamme équilibrée de gris chauds (à -légère!- dominante bistre).
Les gammes de contrôle évoquées par les cahiers des charges de travaux sophistiqués sont des gammes de contrôle beaucoup plus techniques, comme la gamme Brunner qui permet de mesurer, outre les densités d'encrage, la qualité de la copie des films sur les plaques offset, l'engraissement et l'élargissement du point de trame en fonction du support d'impression, suivant des procédures respectant une mise en oeuvre précise préconisée par l'inventeur du procédé.

L'impression offset s'effectue pour la majorité des cas sur des supports papiers dont les réactions mécaniques ou physiques sont relativement homogènes. Le choix de tel ou tel support, outre son prix, est fait à partir de plusieurs critères.
On choisira en premier lieu le grammage du papier, qui désigne son poids au mètre carré, en fonction de l'usage de l'imprimé, mais aussi de la qualité escomptée du produit.
La qualité d'un papier n'est pourtant pas forcément proportionnelle à son grammage: un papier de très bonne qualité de 80g présente souvent une meilleure tenue à l'encre, un aspect et une résistance mécanique supérieure à celle d'un papier médiocre de 120g. De même l'épaisseur d'un papier de qualité de 100g est la plupart du temps inférieure à celle d'un papier médiocre de 80g. Pour un grammage identique, on peut préférer un papier surfacé : couché ou non-couché, mat, satiné, ou brillant.

On observera inévitablement des restitutions sensiblement différentes, dont les variables doivent être pragmatiquement appréhendées. Une même sélection imprimée sur le papier d'un journal quotidien, ou sur un couché brillant "haut de gamme" d'une publication de luxe ne donnera évidemment pas un résultat identique
 
LA MAITRISE ET LE RESPECT DES CONTINGENCES TECHNIQUES PROPRES À CHAQUE ÉTAPE DE LA FABRICATION PEUT SEMBLER ARDUE ET CONTRAIGNANTE: ELLE L'EST!
C'est pourtant la seule méthode pour éviter les mauvaises surprises (notre métier ne réserve malheureusement jamais de bonnes surprises).
Pour ne pas passer pour un oiseau de mauvaise augure, je voudrais terminer sur une note rassurante. Gérer un travail standard, avec les outils standards, pour une impression standard, chez un prestataire consciencieux n'est pas insurmontable ni périlleux. Et, bien préparés, il y a tout lieu de penser que vos efforts et vos projets seront fructueux et satisfaisants (quoique...)